Alison Shaw, la chanteuse de Cranes, en concert à Paris en 2008, photographie de Stéphane Burlot.
Moins connu que The Cure avec qui il collabora souvent, Cranes est un groupe britannique qui s'inscrivit comme lui dans un genre aujourd'hui abandonné : la coldwave. C'est ainsi que l'on nomme dans les années 80 une partie de la scène post-punk, qui se tourne vers des musiques plus élaborées, plus froides et minimales, mais ce genre se voit rapidement supplanté par un autre issu du post-punk à cette époque, plus sombre et théâtral, le gothique ; Cranes fut l'un des groupes les plus intéressants et l'un de ceux qui ont le mieux vieilli, se distinguant de ses confrères par le chant féminin d'Alison Shaw. Présentons donc cette petite perle, qui a navigué entre les genres avec un talent peu commun !
Cranes s'est formé à la fin des années 80, alors que la coldwave commençait déjà à passer de mode : il était à l'origine proche de la musique industrielle, d'où son nom, puisque "cranes" renvoie en anglais à des grues ! Ce sont Alison et Jim Shaw, frère et sœur, qui le forment en 1988, avec Jim à la guitare et Alison au chant, qui resteront toujours le noyau du groupe. Ils sortent leur premier album en 1989, Self Non Self, qui mêle des sons et une répétitivité typiques de l'industriel, la guitare très sombre d'inspiration gothique de Jim Shaw et la voix très aigüe, presque enfantine, d'Alison. Le résultat en est un album très sombre, bien plus que les suivants, qui ne manque pas d'un certain charme ; cependant, c'est aussi le moins accessible, plus difficile à apprécier pour qui n'est pas habitué à l'industriel, d'où peut-être le fait que cet album soit passé plus inaperçu que ses successeurs.
Cranes s'est formé à la fin des années 80, alors que la coldwave commençait déjà à passer de mode : il était à l'origine proche de la musique industrielle, d'où son nom, puisque "cranes" renvoie en anglais à des grues ! Ce sont Alison et Jim Shaw, frère et sœur, qui le forment en 1988, avec Jim à la guitare et Alison au chant, qui resteront toujours le noyau du groupe. Ils sortent leur premier album en 1989, Self Non Self, qui mêle des sons et une répétitivité typiques de l'industriel, la guitare très sombre d'inspiration gothique de Jim Shaw et la voix très aigüe, presque enfantine, d'Alison. Le résultat en est un album très sombre, bien plus que les suivants, qui ne manque pas d'un certain charme ; cependant, c'est aussi le moins accessible, plus difficile à apprécier pour qui n'est pas habitué à l'industriel, d'où peut-être le fait que cet album soit passé plus inaperçu que ses successeurs.
Fuse, l'un des titres de Self Non Self, qui donna lieu à un single.
Cranes se fait davantage remarquer pour son EP suivant, Inescapable : si les influences industrielles sont toujours très perceptibles, le chant d'Alison est mieux mis en valeur que sur le premier album, plus présent et noyé par des effets de réverbération qui le rendent particulièrement spectral.
Inescapable, le titre éponyme du disque.
C'est cependant le deuxième album qui révèle véritablement le groupe et le rattache à la coldwave : Wings of Joy, en 1991. Et ici, sachant dorénavant où il va après ses premières expérimentations, Cranes révèle toute l'ampleur de son talent ! Sa musique se compose désormais des mélodies lancinantes du piano et de la basse, qui rapprochent le groupe de la coldwave, mais entrecoupées de riffs agressifs et bruitistes d'inspiration industrielle, la voix déchirée d'Alison donnant vie à cet ensemble, saisissante et magnifique à la fois par la détresse qu'elle exprime... À la fois sombre et minimal, cet album est un grand disque, peut-être le meilleur de Cranes ! L'ouvrage Carnets noirs le citera comme le dernier chef d'œuvre de la coldwave. C'est avec ce disque que Cranes commence véritablement à rencontrer le succès, en particulier auprès du public français, frappé par la ressemblance troublante entre la voix d'Alison et celle de Vanessa Paradis, dans une version folle et ténébreuse !
Starblood, l'un des titres les plus bruitistes de Wings of Joy, à la fois brutal et émouvant, le tout en restant très minimal !
L'une des ballades de l'album, Hopes are High, marquée par la mélodie du piano.
Pour autant, Cranes n'a aucune intention de faire dans la facilité : malgré son succès, le groupe évolue encore considérablement sur son album suivant, Forever, en 1993 ; si des influences coldwave sont toujours présentes, le groupe y mêle à présent d'autres venues du rock alternatif, notamment noisy-pop -on est alors en pleine effervescence du grunge. Pari réussi : Cranes en tire une musique moins sombre et moins minimale que sur ses albums précédents, mais entraînante et mélancolique à la fois, et malgré la prise de risque ou grâce à elle, cet album trouve lui aussi son public !
Adrift, un titre relativement calme et sombre de l'album.
Lilies, entrecoupant la voix chétive d'Alison de riffs rock agressifs.
C'est cependant l'album suivant qui marque le véritable coup de maître de Cranes dans ce genre : en 1994, Loved reprend en effet cette formule, mais l'album est à la fois plus sombre et plus minimal que son prédécesseur, hanté par une guitare à la mélancolie obsédante et le chant déchirant d'Alison... Cranes réalise ainsi un album extrêmement poignant, qui émeut sans jamais en faire trop. On est loin de Wings of Joy, cet album est beaucoup plus doux et plus accessible, et pourtant il est difficile de dire lequel des deux est le meilleur !
Reverie, un titre particulièrement hypnotique de Loved.
Paris and Rome, ballade romantique parfaitement assumée et magnifique !
Ne tenant décidément pas en place, Cranes surprend à nouveau tout le monde sur son disque suivant : à la fois parce que La Tragédie d'Orestre et d'Électre est un retour aux sources du groupe, avec une musique marquée par l'industriel et le gothique, mais aussi parce qu'ils ont décidé d'en faire une adaptation de la pièce de théâtre Les Mouches de Jean-Paul Sartre... Allez comprendre ! On ne pourra pas accuser le groupe de manquer d'audace, malheureusement il faut bien dire que cette fois-ci, le pari est raté : la musique n'est pas laide, mais elle est trop pauvre pour faire véritablement effet ; pire, la voix d'Alison, d'ordinaire le meilleur atout du groupe, s'avère complètement inadaptée à ce projet, d'autant que la chanteuse prononce très mal le français...
Le groupe ne met pas longtemps à changer à nouveau de genre après cet échec criant : Population 4 est à l'exact opposé, le groupe partant cette fois-ci plus loin que jamais dans le rock alternatif, aboutissant à un album qui n'a plus grand chose à voir avec la coldwave ou le gothique, parfois rapproché de la dream pop ; hélas ! C'est encore pire. Si La Tragédie d'Orestre et d'Électre avait au moins le mérite de l'originalité, il n'y a cette fois-ci rien à sauver, Population 4 est un album fade et sans personnalité, Cranes ne maîtrisant manifestement pas suffisamment ce genre pour en tirer un résultat intéressant...
On aurait pu croire le groupe définitivement perdu après ces deux mauvais albums, mais il finit par retrouver son chemin : en 2001, Future Songs marque un nouveau virage pour Cranes, intégrant des sonorités électroniques de la trip-hop mêlées au rock alternatif ; le résultat obtenu est étonnamment bon, dévoilant un univers musical riche et calme. Le groupe a laissé loin derrière lui son passé coldwave, et pourtant l'écart n'est pas si énorme : sa musique est toujours emprunte d'une mélancolie savamment distillée au filtre d'un certain minimalisme.
Le groupe ne met pas longtemps à changer à nouveau de genre après cet échec criant : Population 4 est à l'exact opposé, le groupe partant cette fois-ci plus loin que jamais dans le rock alternatif, aboutissant à un album qui n'a plus grand chose à voir avec la coldwave ou le gothique, parfois rapproché de la dream pop ; hélas ! C'est encore pire. Si La Tragédie d'Orestre et d'Électre avait au moins le mérite de l'originalité, il n'y a cette fois-ci rien à sauver, Population 4 est un album fade et sans personnalité, Cranes ne maîtrisant manifestement pas suffisamment ce genre pour en tirer un résultat intéressant...
On aurait pu croire le groupe définitivement perdu après ces deux mauvais albums, mais il finit par retrouver son chemin : en 2001, Future Songs marque un nouveau virage pour Cranes, intégrant des sonorités électroniques de la trip-hop mêlées au rock alternatif ; le résultat obtenu est étonnamment bon, dévoilant un univers musical riche et calme. Le groupe a laissé loin derrière lui son passé coldwave, et pourtant l'écart n'est pas si énorme : sa musique est toujours emprunte d'une mélancolie savamment distillée au filtre d'un certain minimalisme.
Submarine, l'un des titres de Future Songs, mystérieux et rêveur.
N'ayant plus la même bougeotte que dans sa jeunesse, peut-être un peu assagi par ses échecs passés, Cranes choisit pour une fois de maintenir cette formule sur les deux albums suivants et de ralentir son rythme de création : ce sont Particles & Waves en 2004, qui penche davantage vers le rock alternatif et s'avère peu intéressant, et l'album éponyme Cranes en 2008, dont les douces ambiances électroniques ont parfois leur attrait. On peut difficilement s'empêcher de regretter l'aspect sombre et déchiré des premiers albums, mais il faut reconnaître que Cranes a su s'adapter intelligemment. Depuis Cranes, le groupe n'a pas produit de nouvel album, étant semble-t-il arrivé au bout de ce qu'il avait à dire.
Collecting Stones, l'un des titres de Cranes, subtilement triste.
Cranes a ainsi su varier et mélanger les genres sans perdre sa personnalité, empruntant suivant les époques au gothique, à l'industriel, à la coldwave, au rock alternatif ou encore à la trip hop pour forger sa musique toujours d'une mélancolie poignante, parfois avec force et noirceur, d'autres fois de façon plus apaisée ; la voix désespérée d'Alison au milieu des plus sombres univers musicaux du groupe est un appel que l'on n'oublie pas facilement...