Si elle pose remarquablement bien les questions et si son propos est intéressant, nous essaierons ici de démontrer que la vision qu'elle donne de la politique française aujourd'hui est naïve et dépassée par certains aspects : un personnage tel que Philippe Rickwaert et ce qu'il propose dans la série ne pourrait conduire un changement de politique de nos jours. Pour cela, nous commencerons par revenir sur l'intrigue de la saison 3 ; nous expliquerons ensuite pourquoi le danger représenté par le personnage de Christophe Mercier semble peu crédible, puis pourquoi l'alternative représentée par Philippe Rickwaert aurait peu de chances de fonctionner dans la réalité. Attention, chute de spoils !
I - Le tableau politique de Baron noir
Le héros Philippe Rickwaert a enfin purgé sa peine d'inéligibilité suite à l'affaire pour laquelle il a été condamné dans la saison deux, hélas pour lui son parti, le PS, n'est plus qu'un champ de ruines : la Présidente de la République qu'il a aidée à se faire élire, l'ancienne haute fonctionnaire Amélie Dorandeu (Anna Mouglalis, attachante présidente de fer), a formé une vaste coalition néolibérale entre l'ex-aile droite du PS, le centre-droit et la droite gaulliste, baptisée La France Unie ; dans le même temps, le PS est concurrencée sur sa gauche par un mouvement contestant les politiques d'austérité, Debout Le Peuple, conduit par un leader au charisme écrasant et à la culture immense, Michel Vidal (François Morel), ancien militant trotskyste et ancien élu PS, qui a claqué la porte de celui-ci -tout le monde aura bien évidemment reconnu Jean-Luc Mélenchon, d'autant que le jeu de François Morel excelle à rappeler le parler et les expressions faciales de celui-ci et que les scénaristes vont jusqu'à mettre des citations du président du groupe parlementaire de la France Insoumise dans sa bouche. Quant à Amélie Dorandeu, on l'a souvent comparée lors de la saison 2 à Emmanuel Macron : il est certain que son parcours de technocrate en même temps que sa démarche de rassemblement néolibéral donnent cette impression, encore que l'on pourrait aussi la rapprocher de Ségolène Royal ; cependant, son personnage se démarque radicalement de lui au cours de cette saison 3 par des tentatives courageuses qui seraient impensables de la part de Macron -elle parle successivement d'une plan de transformation écologiste de l'économie de plusieurs centaines de milliards d'euros et de supprimer l'élection du Président de la République au suffrage universel direct pour dé-présidentialiser le régime ! Toujours est-il qu'on retrouve la coalition néolibérale et la contestation de gauche de notre époque. Dans cette situation, Philippe Rickwaert quitte le PS pour rejoindre Debout Le Peuple, dont il espère prendre la tête à l'intraitable Michel Vidal.
Pendant ce temps, le danger se profile à l'extrême-droite de l'échiquier politique. Le leader du Rassemblement National Lionel Chalon profite lui aussi de la contestation croissante d'Amélie Dorandeu, il tente de donner de son parti une image plus fréquentable en se dissociant des groupes violents et en s'associant à la droite classique pour mieux la contaminer (la stratégie rappelle évidemment celle de Bruno Megret et maintenant de Marine le Pen, toutefois Lionel Chalon se montre plus habile que cette dernière). Et soudain fait irruption un outsider : Christophe Mercier, professeur de SVT et vidéaste complotiste à ses heures perdues, rencontre un immense succès sur internet avec ses vidéos dénonçant le monopole des professionnels de la politique sur la démocratie ; face à cela, il propose de remplacer la démocratie représentative par un système de gouvernement tiré au sort pour plus de représentativité sociale. Son idée et surtout son ton dénonciateur parle aussi bien à des gens de droite que de gauche, bien que l'intrigue montrera qu'il a surtout des liens avec une cadre dissidente du RN, et l'un après l'autre, Philippe Rickwaert, Michel Vidal, Amélie Dorandeu et Lionel Chalon vont tenter de se servir de lui pour affaiblir leurs adversaires, le renforçant jusqu'à le mettre en position de devenir Président de la République... Il est difficile de ne pas penser à Étienne Chouard, dont l'apologie du tirage au sort qu'il présentait comme la véritable démocratie en la sortant de son contexte historique de la Grèce antique a rencontré du succès aussi bien à droite qu'à gauche à la fin des années 2000 et au début des années 2010 jusqu'à ce que soient révélés ses liens avec le milieu néonazi et en particulier avec Alain Soral.
Mais revenons à nos moutons. Suite à diverses péripéties, Christophe Mercier sera défait au second tour de l'élection présidentielle par Philippe Rickwaert, qui à force d'abnégation et de compromis a réussi à rassembler toute la "gauche" de Debout Le Peuple au PS en passant par EELV et le PCF derrière sa candidature ; après un débat de second tour où il met superbement en cause le flou politique de Christophe Mercier et l'annulation du choix démocratique que représenterait le tirage au sort, défendant dans le même temps des mesures sociales, celui-ci accède enfin à l'Élysée. Et voilà ramenés sur le tapis les thèmes de la critique démagogique du système existant et de l'union de la gauche !
L'union de la gauche comme rempart à la démagogie, donc, en portant un projet alternatif à la fois au système existant et à sa contestation la plus frelatée, tel semble en somme le message politique de la saison. L'idée semble alléchante, mais comme nous allons le voir, la transposer en réalité pose un certain nombre de problèmes !
II - Christophe Mercier, une menace peu réaliste
Cependant, l'expérience montre qu'il est plus que douteux qu'un tel personnage réussirait. Il faut en effet prendre garde à ne pas accorder plus de valeur qu'elle n'en a à la représentation sur internet ! On en a un parfait contre-exemple avec la candidature à l'élection présidentielle 2017 de François Asselineau pour l'Union Populaire Républicaine (encore se différencie-t-il de Christophe Mercier par le fait d'avoir un parti structuré derrière lui et son parcours d'énarque) : bien que quasi-absente des médias traditionnels avant (et après) cette élection, l'UPR a en effet réussi l'exploit de se faire connaître et de faire connaître son candidat sur internet, l'hyperactivité de ses militants sur les réseaux sociaux et dans les commentaires de sites d'actualité l'ayant rendu très visible (c'est cet usage d'internet qui a fait la différence avec la campagne beaucoup moins actuelle de Jacques Cheminade pour Solidarité & Progrès, malgré un discours et un public très proche) ; comme Christophe Mercier, elle ne porte qu'un programme très réduit, basé sur quelques propositions qui peuvent plaire aussi bien à des opposants de gauche que de droite, en l'occurrence le fameux "Frexit", sortie immédiate et sans concertation avec d'autres pays de l'UE pour la France, ainsi que la sortie de l'OTAN, pour le reste l'UPR s'en remet à des promesses de référendums. Sauf qu'en dépit des efforts des militants et des permanents de l'UPR pour tapisser le net et les murs, François Asselineau a obtenu... 0,8% des voix. Comment expliquer ce décalage ?
C'est que, tout d'abord, internet est un miroir déformant ; un petit nombre de personnes très actives peut y devenir beaucoup plus visible qu'un grand nombre qui fréquente moins internet ou n'y milite pas, la très forte visibilité de l'UPR, ou des admirateurs d'Alain Soral à une autre époque, dissimule le fait que c'est une poignée de militants hyperactifs sur ces réseaux qui en sont à l'origine. Ainsi, comme pour François Asselineau, rien ne garantit qu'un Christophe Mercier qui se présenterait à une élection présidentielle y retrouverait sa popularité virtuelle. C'est que, aussi, internet ne remplace pas des réseaux partisans structurés, avec leurs militants, leurs élus pour servir de relais, leurs cadres pour connecter la base et le centre, et parfois leurs clientèles. Enfin, c'est aussi et surtout que l'on n'agglomère pas sur la base d'un programme aussi flou : les opposants de droite aux traités européens actuels ont à l'évidence préféré voter en 2017 pour Debout La France ou le Front National que pour François Asselineau, les opposants de gauche aux traités européens ont préféré voter pour la France Insoumise, ne laissant à l'UPR quasiment que les rares électeurs pour qui le "Frexit" est une fin en soi et non pas la condition de l'application d'un programme politique de gauche ou de droite. Tout cela pourrait aussi bien et même a fortiori s'appliquer à un Christophe Mercier. Et de fait, en dépit de leur position initiale d'outsiders, Beppe Grillo et Donald Trump ont dû finalement en passer par des partis structurés pour réussir en politique et élaborer des programmes complets.
Dans la réalité, le danger ne viendrait donc probablement pas d'un vidéaste complotiste brusquement propulsé à une élection présidentielle : les chances d'une telle entreprise seraient faibles. Le vrai danger pour la démocratie vient de ce qui existe déjà : l'extrême-droite incarnée par Lionel Chalon dans la série et par le véritable RN dans la réalité et, ce dont la série ne parle finalement pas car Amélie Dorandeu n'a de cesse de s'en différencier, la dérive vers l'extrême-droite de la droite néolibérale, visible de tous dans la répression qui s'abat sur les mouvements sociaux comme celui contre la loi El-Khomri ou les Gilets Jaunes, les propos et les fréquentations du Président de la République qui n'a jamais caché sa sympathie pour le monarchisme, s'affiche dans le média d'extrême-droite Valeurs actuelles ou avec l'homme politique d'extrême-droite Philippe de Villiers, remet en cause publiquement la laïcité en affirmant vouloir réparer le lien entre l'Église et l'État, pointe sans cesse ses concitoyens musulmans pour détourner l'attention de sa politique sociale... Il poursuit ici ce qu'ont initié Nicolas Sarkozy et Manuel Valls. De cela, la série ne parle pas et elle passe ainsi à côté du vrai problème : qui arrêtera la destruction progressive des fondamentaux républicains par les gouvernements successifs ?
Mais, même si le diagnostic est faux, peut-être le remède proposé est-il juste ? L'unité de la gauche comme rempart à l'extrême-droite ? Cette idée séduisante et pour tout dire, facile, est très présente dans les médias. Nous allons à présent voir pourquoi elle est fausse.
III - L'impossible unité de la gauche
On en a une première idée lorsqu'on réfléchit aux termes de la question : au fait, qu'est-ce que c'est, "la gauche" ? Qu'est-ce que notre Philippe Rickwaert est censé unir au juste ? Dans la série (et cela colle aux représentations médiatiques), il s'agit d'un éventail de partis politiques : la formation imaginaire Debout Le Peuple, avatar de la France Insoumise, le PCF, EELV et le PS. Mais qu'est-ce qui est supposé unir ces partis, pour qu'on puisse les regrouper sous le vocable "gauche" et envisager de les unir politiquement ? Historiquement, pour le dire vite, le mot "gauche" est employé pour désigner les acteurs politiques qui défendent le plus fortement les évolutions vers plus de liberté et d'égalité, représentés d'abord par les Jacobins pendant la Révolution française ; voilà donc ce qu'il faudrait unir, au nom de ces valeurs communes, la liberté et l'égalité, menacée aujourd'hui par l'extrême-droite et les néolibéraux de tout bord qui attaquent l'égalité et la liberté pour les travailleurs. Cela peut s'entendre, en effet. Sauf que... le PS n'est plus dans ce camp, pas dans la réalité. Dans la réalité, le PS a passé le mandat de François Hollande à attaquer les droits des travailleurs et la démocratie plus férocement encore que Nicolas Sarkozy, la loi El-Khomri et la pluie de grenades qui s'est abattue sur les mouvements sociaux, tuant le militant écologiste Rémi Fraisse, ou encore les restrictions des libertés politiques par l'état d'urgence prolongé indéfiniment, ont marqué le passage du PS dans le camp du néolibéralisme autoritaire, de ceux qui combattent la liberté et l'égalité, en bref de la droite ; à l'exception de l'ouverture du contrat de mariage aux couples homosexuels, il n'y a pratiquement pas eu de mesure augmentant la liberté et l'égalité sous François Hollande, et ceux dans son parti qui n'ont pas soutenu sa politique l'ont aujourd'hui quitté. Comment une "union de la gauche" avec un tel parti serait-elle aujourd'hui possible ? Ce ne serait pas l'union de la gauche mais l'union de la gauche avec la droite. Ce qui n'a aucun sens, puisqu'il s'agirait alors d'allier des projets antagonistes.
C'est que le projet n'est pas un point de détail, justement, même si Baron noir s'attache davantage à montrer les ambitions personnelles dans les coulisses politiques. Prétendre gouverner avec des gens avec qui on ne partage pratiquement rien sur le programme, sinon négativement (lorsque la seule chose que l'on partage est d'être contre une autre force politique, par exemple l'extrême-droite), c'est se discréditer en montrant que l'on ne défend plus un projet pour les citoyens mais une boutique électorale. Rosa Luxemburg a traité le problème avec toute la clarté et l'intelligence qu'on lui connaît entre autres dans son article La crise socialiste en France, à l'époque de l'affaire Millerrand, du nom de ce député socialiste qui avait accepté de se joindre au gouvernement républicain bourgeois de Waldeck-Rousseau : tandis que Jean Jaurès invoquait pour le défendre un principe d'unité de tous les républicains, qu'ils soient bourgeois ou socialistes, face à l'extrême-droite dont l'influence s'accroissait suite à l'affaire Dreyfus, et tandis que Jules Guesde s'égarait dans une position sectaire, considérant qu'il ne fallait pas défendre Dreyfus en plus de ne pas participer au gouvernement Waldeck-Rousseau au motif qu'il était issu de la bourgeois, Rosa Luxemburg considérait pour sa part que s'il ne fallait effectivement pas laisser les réactionnaires déchaîner leurs attaques contre la République à travers l'affaire Dreyfus, il était pour autant hors de question de participer à un gouvernement bourgeois, au nom même de la défense de la République, car en faisant cela, les socialistes se discréditeraient en tant qu'alternative à la République bourgeoise, ils démoraliseraient le prolétariat qui ne se mobiliserait plus pour barrer la route à l'extrême-droite contre la République. On ne peut combattre l'extrême-droite qu'ainsi, alternative contre alternative, pas en s'associant à un système détesté à juste titre. Par conséquent, si l'on revient à notre époque et au monde réel, aucune alliance avec le PS ou avec la droite en général n'est possible pour ce que l'on appelle historiquement la "gauche", et surtout pas pour les (vrais) socialistes : cela reviendrait à dégoûter les travailleurs d'une alternative. Baron noir montre d'ailleurs une certaine conscience de ce problème : Philippe Rickwaert prend soin de se dissocier d'Amélie Dorandeu et de la critiquer pour mieux l'emporter contre Christophe Mercier, pour être face à lui non pas un candidat du système mais le candidat d'une alternative de gauche.
En effet, le PS de Baron noir n'est pas le PS réel : on ne l'a pas vu au cours de la série prendre des mesures aussi radicalement contraires à toute l'histoire de la gauche que François Hollande. C'est un PS fantasmé, ou plutôt un PS d'une autre époque où il était encore plus ou moins à gauche que la série reconstruit ici, consciemment ou non, c'est avec lui que Debout Le Peuple fait alliance, son premier secrétaire Daniel Kahlenberg paraissant trouver un terrain d'entente programmatique avec Michel Vidal avant que les rancunes personnelles et les dissensions à propos de l'attitude à tenir à propos de Christophe Mercier ne fassent voler en éclats cette première tentative d'alliance. Traitons donc à présent la question de savoir si une union de la gauche serait possible et viable, indépendamment de la question de savoir si le PS pourrait en faire partie. Sur quel projet se ferait-elle ? Dans la série comme dans la réalité, le nœud du problème pour l'union de la gauche est l'attitude à tenir à l'égard des traités européens : Michel Vidal et Daniel Kahlenberg finissent par s'accorder pour violer la règle des 3% du PIB de déficit public prévue par les traités européens tout en payant les amendes prévues par eux à ce sujet, la France en ayant les moyens. Cela traduit en effet l'opposition entre d'une part la France Insoumise qui prône la désobéissance immédiate aux traités européens et leur renégociation sous peine de quitter l'UE, si possible avec d'autres pays (ou, plus radicaux, le POI, le POID et le PRCF, qui eux défendent même le Frexit), et d'autre part le PCF, EELV et Ensemble qui sont officiellement pour une renégociation des traités mais contre cesser de les appliquer avant qu'elle n'ait lieu, ce qui signifie continuer à appliquer les politiques d'austérité qu'ils imposent jusqu'à ce que l'intégralité des gouvernements de l'Union Européenne soient simultanément d'accord pour les modifier dans le même sens... Ce qui, évidemment, n'arrivera jamais. Le compromis grâce auquel Philippe Rickwaert met d'accord Daniel Kahlenberg et Michel Vidal -désobéir, oui, mais uniquement à la règle des 3% de déficit public et tout en payant les amendes qui sanctionnent cette violation- est quant à elle le compromis proposé par Arnaud Montebourg à la primaire PS 2016 (Lutte Ouvrière et le NPA ne se positionnent jamais clairement sur le sujet, et l'extrême-gauche semble d'ailleurs ne pas exister dans cette saison 3, bien qu'un militant du NPA ait été présent dans la saison 1). Aurions-nous trouvé là la formule pour dépasser les désaccords sur l'Union Européenne et ainsi unir la gauche ?
Évidemment non. Passons sur le fait qu'on imagine mal EELV et le PS accepter un tel compromis, le problème est surtout que cela ne fait pas un programme viable : désobéir à la règle des 3% de déficit public ne suffira pas à changer la politique de façon durable, en payant les amendes ou non. Car ce n'est pas cette règle qui enferme les peuples dans la cage de fer du néolibéralisme : elle n'existe pas hors de l'Union Européenne, ce qui n'empêche pas de mêmes politiques de s'y appliquer. C'est qu'avec ou sans la règle des 3% de déficit public, mener une politique de gauche conséquente est difficile pour une toute autre raison : il n'y a plus de frontières à la circulation des capitaux et des marchandises. Un pays qui déciderait d'augmenter considérablement les impôts pesant sur les plus riches pour financer ses services publics et d'augmenter la part de la valeur ajoutée qui revient aux travailleurs sous forme de salaires risquerait aussitôt de voir les capitalistes en retirer leur fortune et préférer l'investir ailleurs ; il risquerait en outre de ne pas pouvoir vendre sa production du fait que des produits fabriqués ailleurs pourront être moins chers en recourant à des travailleurs moins bien payés... C'est sur cette mise en concurrence que repose la domination sans partage des capitalistes aujourd'hui. Vouloir appliquer un programme de gauche dans ces conditions risquerait de conduire un pays au naufrage économique, comme le montre la désastreuse concurrence que fait l'Allemagne à ses voisins européens. C'est cette libre circulation des capitaux et des marchandises le véritable verrou du néolibéralisme, pas la règle des 3%, qui d'ailleurs a déjà été violée. Problème : cette libre circulation est précisément l'un des points fondamentaux des traités européens... Pour parer à ce risque, un gouvernement de gauche conséquent devrait donc leur désobéir en remettant les frontières à leur place pour les capitaux et les marchandises. Tant que les différents partis de gauche n'auront pas admis cette réalité, l'union de la gauche ne pourra se faire sur un projet cohérent.
Et à choisir, la cohérence et la force du projet valent mieux que l'unité de la gauche : que représentent les appareils partisans de nos jours ? Ce n'est pas parce qu'on empile les logos de différents partis politiques dans une union que leurs électeurs respectifs s'y retrouvent et vont voter pour l'alliance ainsi constituée, ainsi que l'expérience le démontre, cela peut même au contraire attiser l'image du parti-cartel (voir les travaux de Richard Katz et Peter Mair) qui négocie avec d'autres pour obtenir des places sans davantage se soucier de son projet. Ce n'est pas ainsi que l'on peut redonner envie de se mobiliser aux déçus de la politique, à ceux qui ne votent plus et qui se situent le plus souvent parmi les fractions les plus pauvres des travailleurs. Bref, même si l'unité de la gauche est souhaitable, elle n'est pas une solution en soi, et remplacer la gauche ne doit pas empêcher de rassembler avant tout le peuple ; c'est ainsi que la démarche de la France Insoumise aux élections présidentielle et législatives 2017 lui a permis le succès, ce que Baron noir ne semble pas avoir intégré.