Une illustration de l'esthétique gothique pour la page Wikipédia "mouvement gothique"
(ClBy Marc Planard (Own work) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html), CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/) or CC-BY-2.5 (http://creativecommons.org/licenses/by/2.5)], via Wikimedia Commons)
Voilà un étrange voyage que celui fait par le mot "gothique" : une cathédrale, un roman, un film, un maquillage, des vêtements sombres, toutes sortes de musiques, des textes qui se veulent poétiques, tout est gothique, semble-t-il ! Et comme toujours dans ces cas-là, on a vite fait de se battre pour savoir ce que le gothique est ou non ; gare aux préjugés et aux amalgames... Pas besoin de vous taper des bouquins entiers ou même des pages wikipédia, on va résumer cela si vous le voulez bien, je me dis souvent qu'il faut s'y atteler vu ce qu'on entend et lit sur le sujet...
Commençons par ce que le gothique n'est pas. Le metal, en premier lieu : bien que le "corpse paint" qui a cours dans certaines branches du metal puisse rappeler le maquillage gothique, ça n'a rien à voir, les racines sont complètement différentes car le metal est issu du blues et du rock, ce sont des groupes comme Black Sabbath ou Iron Maiden avec une musique et une esthétique bien différentes, et je vous déconseille de traiter un métalleux de gothique ou le contraire ! Il y a cependant eu des mélanges entre metal et gothique, mais les exemples les plus représentatifs n'en sont pas des groupes de metal symphonique comme Nightwish, l'étiquette de "metal gothique" s'applique d'abord à des formations comme Type O Negative ou Paradise Lost qui s'inspirent des groupes de rock gothique dont nous parlerons plus bas. Il faut également rappeler que, contrairement à ce qu'on entend trop souvent à la télévision, le gothique ne se résume aucunement à une mode vestimentaire ou à un maquillage, il y a une esthétique qui est associée à cette contre-culture mais ce n'est pas autour d'elle qu'elle s'est construite, c'est encore moins valoriser une tristesse tragique... Gare aux clichés.
Alors le gothique, c'est quoi ? C'est là que l'évolution du mot devient vraiment surprenante, car le gothique, comme chacun sait, ça désigne avant tout une architecture médiévale surchargée, et au-delà un art englobant la peinture ou la sculpture ; au XIIème siècle, le terme était péjoratif, renvoyant aux peuples goths qui avaient mis à sac Rome.
Commençons par ce que le gothique n'est pas. Le metal, en premier lieu : bien que le "corpse paint" qui a cours dans certaines branches du metal puisse rappeler le maquillage gothique, ça n'a rien à voir, les racines sont complètement différentes car le metal est issu du blues et du rock, ce sont des groupes comme Black Sabbath ou Iron Maiden avec une musique et une esthétique bien différentes, et je vous déconseille de traiter un métalleux de gothique ou le contraire ! Il y a cependant eu des mélanges entre metal et gothique, mais les exemples les plus représentatifs n'en sont pas des groupes de metal symphonique comme Nightwish, l'étiquette de "metal gothique" s'applique d'abord à des formations comme Type O Negative ou Paradise Lost qui s'inspirent des groupes de rock gothique dont nous parlerons plus bas. Il faut également rappeler que, contrairement à ce qu'on entend trop souvent à la télévision, le gothique ne se résume aucunement à une mode vestimentaire ou à un maquillage, il y a une esthétique qui est associée à cette contre-culture mais ce n'est pas autour d'elle qu'elle s'est construite, c'est encore moins valoriser une tristesse tragique... Gare aux clichés.
Alors le gothique, c'est quoi ? C'est là que l'évolution du mot devient vraiment surprenante, car le gothique, comme chacun sait, ça désigne avant tout une architecture médiévale surchargée, et au-delà un art englobant la peinture ou la sculpture ; au XIIème siècle, le terme était péjoratif, renvoyant aux peuples goths qui avaient mis à sac Rome.
L'intérieur de la cathédrale Notre-Dame de Sées, exemple d'architecture gothique.
(Image de Gérard Janot, Wikimedia Commons)
Le terme évolue considérablement lorsqu'au Royaume-Uni, entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème, apparaît un courant littéraire particulier caractérisé par un engouement pour le passé et le surnaturel, engouement qui se traduit parfois par l'usage en guise de décor de ruines médiévales avec leur architecture bien connue... ainsi, le terme "gothique" qui désignait un art au Moyen-Âge s'est-il greffé sur cette littérature, lancée semble-t-il par Le Château d'Otrante de l'auteur britannique Horace Walpole, en 1764. Cette littérature gothique inspire par la suite des romans fantastiques tels que Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley ou les premiers romans vampiriques Carmilla de Sheridan le Fanu et Dracula de Bram Stoker. "Gothique" renvoie alors à un genre littéraire et à une esthétique.
Mais alors pourquoi ce maquillage noir, cette mode vestimentaire et cette envie d'associer à tout prix le gothique à une musique, surtout aux XXème et XXIème siècles, alors que le roman gothique est mort et enterré ? C'est là qu'on en arrive au sens contemporain, car le mot "gothique" a été déterré à nouveau au XXème siècle, cette fois pour désigner une contre-culture musicale. On a commencé à parler de "goth" lorsque les compositions de certains artistes post-punk ou coldwave tels que The Cure, Siouxsie and the Banshees ou Joy Division ont pris une tournure plus complexe, plus sombre et plus mélancolique, à la fin des années 70, par référence à l'architecture intimidante et surchargée du Moyen-Âge ; au début des années 80, le terme d'usage devient l'anglais "gothic" et cette nouvelle musique se structure en plusieurs scènes, on qualifie de "rock gothique" des groupes comme The Sisters Of Mercy (bien qu'ils s'en défendent !), The Mission ou Fields of the Nephilim, de "batcave" un style plus théâtral né dans la boîte de nuit londonienne du même nom représenté par Bauhaus ou Alien Sex Fiend, de "death rock" des groupes dans un registre proche mais cette fois américains, comme Christian Death. La musique se veut plus attractive et sensible que ne l'était le punk, avec des atmosphères passéistes, des guitares chargées en écho, des roulements de batterie évoquant le tonnerre ; les paroles lorgnent sur un lyrisme sombre, le maquillage noir qui avait déjà cours dans le glam rock est largement accentué (à cause de l'éclairage limité de la Batcave, dit-on !), une imagerie se développe, s'inspirant entre autres, justement, du roman gothique, qui a lui-même inspiré le cinéma expressionniste allemand, les deux s'y retrouvent donc comme inspiration. Ainsi, un visuel avec ses possibles dérivés vestimentaires et des paroles proches d'un romantisme noir viennent compléter la musique et se font connaître au point d'être parfois repris hors-contexte, par des gens qui ne font pas de recherches sur la musique ou par les médias... Voilà comment le mot "gothique" a fini par perdre sa substance et englober tout ce qui paraît vaguement sombre, de Nightwish à Twilight !
Mais alors pourquoi ce maquillage noir, cette mode vestimentaire et cette envie d'associer à tout prix le gothique à une musique, surtout aux XXème et XXIème siècles, alors que le roman gothique est mort et enterré ? C'est là qu'on en arrive au sens contemporain, car le mot "gothique" a été déterré à nouveau au XXème siècle, cette fois pour désigner une contre-culture musicale. On a commencé à parler de "goth" lorsque les compositions de certains artistes post-punk ou coldwave tels que The Cure, Siouxsie and the Banshees ou Joy Division ont pris une tournure plus complexe, plus sombre et plus mélancolique, à la fin des années 70, par référence à l'architecture intimidante et surchargée du Moyen-Âge ; au début des années 80, le terme d'usage devient l'anglais "gothic" et cette nouvelle musique se structure en plusieurs scènes, on qualifie de "rock gothique" des groupes comme The Sisters Of Mercy (bien qu'ils s'en défendent !), The Mission ou Fields of the Nephilim, de "batcave" un style plus théâtral né dans la boîte de nuit londonienne du même nom représenté par Bauhaus ou Alien Sex Fiend, de "death rock" des groupes dans un registre proche mais cette fois américains, comme Christian Death. La musique se veut plus attractive et sensible que ne l'était le punk, avec des atmosphères passéistes, des guitares chargées en écho, des roulements de batterie évoquant le tonnerre ; les paroles lorgnent sur un lyrisme sombre, le maquillage noir qui avait déjà cours dans le glam rock est largement accentué (à cause de l'éclairage limité de la Batcave, dit-on !), une imagerie se développe, s'inspirant entre autres, justement, du roman gothique, qui a lui-même inspiré le cinéma expressionniste allemand, les deux s'y retrouvent donc comme inspiration. Ainsi, un visuel avec ses possibles dérivés vestimentaires et des paroles proches d'un romantisme noir viennent compléter la musique et se font connaître au point d'être parfois repris hors-contexte, par des gens qui ne font pas de recherches sur la musique ou par les médias... Voilà comment le mot "gothique" a fini par perdre sa substance et englober tout ce qui paraît vaguement sombre, de Nightwish à Twilight !
Siouxsie Sioux de Siouxsie and the Banshees, précurseur du genre.
(Photographie de Stéphane Burlot)
Pour résumer, donc, le gothique a d'abord été un style notamment architectural au Moyen-Âge, puis un style littéraire a été qualifié à son tour de gothique à cause de son goût pour les vieilles ruines effrayantes, et l'aspect sombre et massif d'une musique issue du post-punk lui a également valu ce qualificatif ; une sous-culture s'est développée autour de cette musique avec son esthétique, et c'est à cette esthétique que les médias ont souvent tendance à réduire le gothique, d'où l'inévitable confusion...