Cranes s'est formé à la fin des années 80, alors que la coldwave commençait déjà à passer de mode : il était à l'origine proche de la musique industrielle, d'où son nom, puisque "cranes" renvoie en anglais à des grues ! Ce sont Alison et Jim Shaw, frère et sœur, qui le forment en 1988, avec Jim à la guitare et Alison au chant, qui resteront toujours le noyau du groupe. Ils sortent leur premier album en 1989, Self Non Self, qui mêle des sons et une répétitivité typiques de l'industriel, la guitare très sombre d'inspiration gothique de Jim Shaw et la voix très aigüe, presque enfantine, d'Alison. Le résultat en est un album très sombre, bien plus que les suivants, qui ne manque pas d'un certain charme ; cependant, c'est aussi le moins accessible, plus difficile à apprécier pour qui n'est pas habitué à l'industriel, d'où peut-être le fait que cet album soit passé plus inaperçu que ses successeurs.
Le groupe ne met pas longtemps à changer à nouveau de genre après cet échec criant : Population 4 est à l'exact opposé, le groupe partant cette fois-ci plus loin que jamais dans le rock alternatif, aboutissant à un album qui n'a plus grand chose à voir avec la coldwave ou le gothique, parfois rapproché de la dream pop ; hélas ! C'est encore pire. Si La Tragédie d'Orestre et d'Électre avait au moins le mérite de l'originalité, il n'y a cette fois-ci rien à sauver, Population 4 est un album fade et sans personnalité, Cranes ne maîtrisant manifestement pas suffisamment ce genre pour en tirer un résultat intéressant...
On aurait pu croire le groupe définitivement perdu après ces deux mauvais albums, mais il finit par retrouver son chemin : en 2001, Future Songs marque un nouveau virage pour Cranes, intégrant des sonorités électroniques de la trip-hop mêlées au rock alternatif ; le résultat obtenu est étonnamment bon, dévoilant un univers musical riche et calme. Le groupe a laissé loin derrière lui son passé coldwave, et pourtant l'écart n'est pas si énorme : sa musique est toujours emprunte d'une mélancolie savamment distillée au filtre d'un certain minimalisme.